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Taxe d’Enlèvement des Ordures Ménagères : Un acte politique et financier essentiel souvent entaché de fortes fragilités juridiques

C’est non sans de multiples inquiétudes que les collectivités territoriales s’attèlent cet automne à la préparation de leurs budgets pour l’année 2023.

Inquiétudes pour les collectivités territoriales d’abord, contraintes de faire preuve d’ingéniosité pour parvenir à financer l’ensemble des services publics dont elles ont la charge ainsi que les actions structurantes de la mandature en cours. La tâche semble loin d’être aisée, dans un contexte de crise du coût de l’énergie, où les collectivités territoriales doivent également tenir compte de la réduction annoncée des recettes liées à la fiscalité locale, notamment depuis la suppression annoncée de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises d’ici à 2024 et d’une indexation de la dotation globale de fonctionnement sur l’inflation toujours discutée.

Une telle situation devient préoccupante, lorsque l’on sait que le coût de certains services est en constante augmentation, comme c’est le cas du service public de gestion des déchets ménagers, notamment en raison d’une augmentation du volume de déchets produits (i), d’infrastructures vieillissantes (ii) et d’obligations imposées par le plan d’action pour une économie circulaire annoncé par la Commission Européenne le 30 mars 2022 (iii).

De telles inquiétudes sont également partagées par les administrés qui font le constat d’une hausse, parfois importante, des sommes dues par eux au titre de la taxe d’enlèvement sur les ordures ménagères (« la TEOM »).

Pour mémoire, on rappellera ici que le service public de gestion des déchets ménagers et assimilés constitue, pour les collectivités territoriales, un service public obligatoire dont les modalités d’organisation et de financement s’avèrent complexes. Ce service peut ainsi être financé, au choix de la collectivité, par son budget général, par l’institution d’une redevance (le redevable paye alors un montant qui comporte en général une base fixe additionnée à des coûts proportionnels liés à l’usage du service qu’il en fait) ou par le biais d’une taxe dont l’assiette est identique à celle de la taxe foncière sur les propriétés bâties (et dont le montant n’est donc pas lié à l’usage effectif du service par le contribuable).

Un tel contexte réunit à ce jour tous les éléments pour faire de la TEOM, majoritairement utilisée en milieu urbain, un sujet hautement sensible pour les collectivités territoriales et ce, pour une triple raison :

  • Une raison politique d’abord, car les professionnels comme les particuliers sont contribuables de cette taxe. Bien que son produit soit perçu par la collectivité qui exerce la compétence collecte des déchets, les contribuables y voient surtout l’action des communes, ce qui, pour les citoyens, expose directement le ou les Maires concernés, d’autant plus si le taux voté de la taxe augmente et que les citoyens ont le sentiment que le service n’est pas optimisé et/ou que la propreté de l’espace public se dégrade.

  • Une raison financière ensuite, car ce service constitue un des services de plus en plus coûteux pour les collectivités territoriales, comme l’ont d’ailleurs constaté les juridictions financières à l’occasion de l’exercice de leurs missions, dans un contexte où les marges budgétaires sont extrêmement limitées. Plus encore, les éventuels dégrèvements prononcés par la Direction Générale des Finances Publiques ou par le juge administratif sont désormais, depuis 2019, supportés par le budget de la collectivité territoriale concernée.

  • Une raison juridique enfin, car la structuration du financement du service est extrêmement complexe, alors que les contribuables n’hésitent pas à porter fréquemment recours devant les juridictions.
    Ces derniers disposent alors de plusieurs recours leur permettant de contester le taux de TEOM voté par l’assemblée délibérante de la collectivité territoriale compétente en matière de gestion des déchets :
    о le recours en excès de pouvoir contre la délibération adoptant le taux de TEOM (v. par ex : TA Cergy-Pontoise, 11 avril 2019, n° 1612108),
    о le recours contre l’avis d’imposition individuel, excipant l’illégalité du taux de TEOM voté par l’assemblée délibérante,
    о
     en se constituant en association dans le cadre d’une action en reconnaissance de droits individuels pour réclamer ainsi la décharge des cotisations mises à la charge de tous les contribuables assujettis à la TEOM.

Bien souvent, le recours introduit par un particulier ou une association incite plusieurs dizaines d’autres contribuables à réclamer également le dégrèvement auquel ils peuvent prétendre. L’enjeu du litige peut ainsi atteindre des montants cumulés particulièrement conséquents pour la collectivité territoriale.

L’ensemble de ces raisons fragilisent donc dans le temps chaque délibération adoptée portant taux de TEOM. Une telle situation impose à l’assemblée délibérante de la collectivité territoriale concernée de faire preuve d’une vigilance accrue tant lors de la préparation de la délibération que lors de son vote afin que celui-ci ne puisse être déclaré illégal : l’insécurité juridique en la matière est forte.

De façon très schématique, les dispositions de l’article 1520 du code général des impôts imposent que le taux de TEOM voté par l’assemblée délibérante de la collectivité compétente pour la collecte et le traitement des ordures ménagères se borne à financer les dépenses exposées pour le service. En d’autres termes, la collectivité territoriale ne peut constituer de surfinancement du service (que la collectivité territoriale pourrait être tentée d’exploiter pour financer d’autres actions ou abonder son budget général).

La délibération votant le taux de TEOM pour l’année à venir et l’inscription de son produit constituants des actes de prévision, la jurisprudence administrative prend le soin de laisser une marge de manœuvre à la collectivité territoriale et ne censure que les taux qui seraient « manifestement disproportionnés » (la limite admise serait fixée aux alentours de 15% de disproportion, sans qu’à ce jour, la jurisprudence ne soit définitivement fixée (v. par ex : TA Montreuil, 11 janvier 2021, n° 1809434 ; TA Toulouse, 4 octobre 2022, n° 2101601)).

Pourtant, la jurisprudence administrative semble toutefois apprécier cette disproportion manifeste de plus en plus strictement. A ainsi été récemment constaté l’illégalité de plusieurs délibérations dont le taux a été jugé comme manifestement disproportionné. La ville de Paris a ainsi vu sa délibération pour l’année 2016 déclarée illégale par le tribunal administratif de Paris (TA Paris, 8 juillet 2022, n° 1900989), alors que la Métropole de Lyon n’a pu avoir gain de cause qu’au prix d’un long contentieux technique, sur renvoi après cassation. D’autres collectivités ont également vu deux de leurs délibérations déclarées illégales par la juridiction administrative (TA Cergy-Pontoise, 7 juin 2022, n° 21099901), imposant à la collectivité de rembourser aux contribuables requérants les sommes versées par eux au titre des années 2019 et 2020.

Le tableau dépeint est très peu encourageant et peut créer l’angoisse chez l’Administrateur, mais il existe toutefois des solutions juridiques et financières qui permettent :

 

  • De réduire considérablement le risque juridique, dès la préparation du budget ou postérieurement à l’adoption de celui-ci,

  • D’optimiser, en toute légalité, les recettes générées par le service.

Afin de pouvoir sécuriser financièrement et juridiquement l’adoption de ces délibérations à forts enjeux, il est toujours pertinent de se faire accompagner d’un conseil juridique, lequel guidera l’élu local et ses services dans l’identification des points de fragilité et pourra désamorcer en amont, grâce à son expertise de la matière, toute difficulté liée à la mise en œuvre de ces délibérations.

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